Double Ironman
Floride – USA
10 mars 2023

Table des matières

Dans cet article, je t’invite à venir revivre mon double Ultra-Triathlon en Floride aux USA pour la 1ère épreuve de la coupe du monde.
Au programme : 7.6 km de nage / 360 km de vélo et 84.4 km de course à pied.

1ème manche de la Coupe du Monde d’Ultra-Triathlon

 

Je souhaitais ardemment obtenir un troisième titre mondial parce qu’il me hisserait à la hauteur de Guy Rossi, baptisé « la légende de l’ultra triathlon », qui a été sacré à trois reprises champion du monde. Il m’a beaucoup inspiré, je voulais le rejoindre au sommet.

J’ai repris l’entraînement pour la saison 2023 dont le programme était encore plus chargé que celle de 2022, avec plus de distances à parcourir. Il y avait 37 équivalents Iron man en 2022 et 43 étaient prévus en 2023 :

  • Un double en Floride
  • Un déca au Brésil en continu
  • Un double en Allemagne
  • Un sextuple à Colmar
  • Un triple en Allemagne, à Lensahn

Et une course qui n’a eu lieu que cinq fois depuis 1990, la plus prestigieuse du monde : un double déca Iron man en continu en Suisse, c’est-à-dire 76 kilomètres de nage suivis de 3600 kilomètres à vélo et 844 kilomètres de course à pied, l’équivalent de vingt marathons d’affilée ! Complètement dingue.

Malgré de tels défis, j’entendais bien garder la santé et ne pas me blesser, afin de vivre ce rêve de l’ultra triathlon le plus longtemps possible.

Ce programme 2023 s’avérait particulièrement excitant. J’avais participé à un double déca en 2016 mais au format journalier : un Iron man par jour. Là, cela se déroulait en continu, ce qui complexifie singulièrement l’épreuve. J’entendais bien en être finisher. Je n’osais pas trop rêver d’un podium mais je me disais quand même que ce serait encore mieux, bien sûr.

Concernant la Floride, un double, j’y participais pour la cinquième fois, j’étais en terrain connu. Est-ce pour cela que je l’ai pris un peu trop à la légère ? Je considérais que cette compétition n’avait pas grande importance, je la voyais plutôt comme une remise en jambes de début de saison après quelques mois d’interruption suite à mon titre de 2022 ; l’occasion de voir où j’en étais physiquement et de tester mon nouveau matériel, puisque j’avais pas mal investi. Une sorte d’entraînement à grande échelle, puisqu’on ne parcourt pas de telles distances pour s’entraîner. Par ailleurs, durant l’hiver, je m’étais installé une bonne salle de musculation à la maison, désireux de bien préparer mon corps pour durer.

Pour ces raisons, je suis arrivé en Floride bien plus serein qu’en 2022, où mon corps et mon esprit étaient totalement déconnectés après les six années de pause qui ont suivi mon titre mondial de 2016. Là, mon corps et mon esprit étaient affutés, totalement en phase avec les difficultés de l’épreuve. Dans mon esprit, j’allais passer de bonnes vacances, sans stress, avec un bon matériel et une logistique bien huilée, à ceci près que contrairement à l’année précédente, j’étais seul, Stéphane n’avait pas pu m’accompagner. J’ai sous-estimé ce point.

La veille de l’épreuve, j’ai récupéré mon dossard et participé à la traditionnelle « pasta partie ». L’ambiance était excellente.

J’ai bien dormi la nuit suivante. En 2022, j’étais arrivé tardivement sur le site, donc stressé. Là, je me suis levé une demi-heure plus tôt pour ne pas avoir à me presser. Étant seul, j’ai quand même dû courir partout pour préparer ma logistique. J’aurais dû me lever encore une demi-heure plus tôt. Je créais là un stress bien inutile, je m’en suis voulu.

Je me suis dirigé vers le site de natation pour 7,6 kilomètres de nage en eau vive, dans le lac marécageux infesté d’alligators où des panneaux rappelaient que la baignade… est strictement prohibée ! En mars, les alligators hibernent et nous étions sous surveillance, par sécurité. Ce n’est quand même qu’à moitié rassurant, sans compter que l’eau est sale, on ne voit rien. En prime, je nage moins droit en eau vive qu’en piscine, je dois donc parcourir une distance plus importante alors que la natation est mon point faible.

Après l’hymne national américain, une fois encore superbement interprété par une jeune athlète, la trentaine de participants a été appelée, l’un après l’autre. Nous n’étions que deux Européens, un Espagnol et moi, seul Français.

Je suis sorti de l’eau en 27ème position au bout de 3h50, c’est-à-dire cinq minutes de plus qu’en 2022 où je pesais vingt kilos de plus et n’était pas du tout préparé. Surprenant et surtout décevant. Je ne retrouvais pas mon souffle. J’étais content que la natation se termine. Cela commençait mal et m’a perturbé. Ma logistique n’était pas terrible pour la transition. J’ai enlevé ma combinaison, mangé un morceau puis enjambé le vélo pour 360 kilomètres.

Il m’a paru fort correctement réglé, tout s’est bien passé. En revanche, je trouvais la température éprouvante, il faisait bien plus chaud qu’en 2022. Vers le 200ème kilomètre, j’ai éprouvé un coup de fatigue assez brutal. Et puis j’ai subi un incident technique. Le parcours était constitué d’une ligne droite de cinq kilomètres sur laquelle nous faisons des allers-retours. Au moment de faire demi-tour, un maillon de ma chaîne s’est tordu. Je devais marcher cinq kilomètres pour réparer cela sur mon stand, seulement on ne peut pas marcher longtemps avec des chaussures de cycliste, je les ai enlevées pour continuer en chaussettes. D’autres concurrents m’ont demandé si j’avais besoin d’aide et ils ont prévenu l’organisateur, qui m’a rejoint à mi-chemin avec son gros pick-up. Il n’était pas outillé pour réparer, j’ai donc repris mon trajet à pied, perdant trois-quarts d’heure, au final. À peine arrivé au stand, trois personnes se sont ruées sur mon vélo et ont procédé à la réparation en un rien de temps. Je l’ai réenfourché. Hélas, cet incident avait cassé mon rythme, s’ajoutant à la forte chaleur, j’ai vomi à deux reprises, je me sentais patraque, fatigué… Rien n’était fluide, je souffrais. J’ai fini le vélo laborieusement, le ventre vide et serré. Il n’était plus question d’un podium. Il me restait à finir dans le temps imparti, 36 heures en tout, pour l’honneur. C’était la moindre des choses compte-tenu de tous les efforts financiers et familiaux que j’avais consentis, laissant seuls ma femme et notre enfant à Paris.

Il me fallait à présent courir 84,4 kilomètres. Je me suis accordé une pause de vingt minutes pour relancer la machine et ai essayé de manger un morceau. J’ai fait le point : il me restait quatorze heures pour courir ces deux marathons, je disposais d’un peu de marge. J’étais plutôt confiant. J’ai calé un rythme pour les parcourir en treize heures et c’est parti, les kilomètres se sont enchaînés. J’ai bouclé le premier marathon en 6h30, tout allait bien… si ce n’est que nous étions à présent l’après-midi, en plein cagnard, autour de 40°, et il n’y avait pas d’ombre sur le parcours. J’avais quitté Paris avec une température de 5°, mon corps vivait mal ce choc thermique brutal. Je m’arrêtais souvent pour m’étirer et me reposer fugacement.

J’ignore ce qui s’est produit mais j’ai perdu mes repères temporels, j’ai ajouté une heure au temps qui me restait officiellement. C’est seulement à quatre tours de l’arrivée que j’ai réalisé mon erreur en lisant 35h40 sur le gros chronomètre. Il me restait vingt minutes pour parcourir les quatre derniers tours alors que c’est le temps que je mettais pour chaque tour ! C’était fichu, il était trop tard pour réagir. Moi qui pensais terminer en temps et en heure, je finissais l’épreuve, certes, mais hors-délai. J’étais furieux contre moi et dans l’incompréhension. J’allais rentrer en France bredouille parce que j’avais pris mon temps en me trompant d’une heure dans le décompte. C’était vraiment stupide. J’avais même appelé ma femme dix minutes en me reposant.

J’ai fini en 36h45. Une grosse claque, proche de l’humiliation. Sur le format le plus simple de toutes les épreuves de la saison, je ne terminais même pas dans les temps ! Pour un champion mondial en titre, ce n’était franchement pas glorieux. Au téléphone, ma femme m’a rappelé qu’elle m’avait conseillé de me faire accompagner pour assurer ma logistique. Elle avait raison.

J’étais profondément déçu. À moi de transformer cela en leçon pour les compétitions à venir, en particulier le déca Iron man qui allait suivre, la deuxième plus importante compétition de l’année, qui allait rapporter beaucoup de points. Je n’avais jamais pratiqué ce format en continu, je l’avais effectué en dix jours à raison d’un Iron man par jour. Là, il fallait parcourir d’une traite 38 kilomètres à la nage, puis 1800 kilomètres à vélo et enfin, 422 kilomètres en course à pied ! Ce n’était pas du tout la même chose et j’ignorais comment mon corps allait réagir.

Je suis rentré en France dépité par ce premier échec de la saison, qui démarrait mal, mais motivé pour la suite et j’ai repris les entraînements afin d’être prêt dans deux mois.