France – Chamonix
Summum project
3.8 km de nage
180 km de vélo
42.2 km de course avec ascension du Mt Blanc (4810m)
17 juillet 2024

Table des matières

Dans cet article, je t’invite à venir revivre mon défi du Summum project. Un Ironman dans la vallée de Chamonix avec la particularité de la course à pied qui se termine au sommet du Mt Blanc à 4810 mètres. Au programme : 3.8 km de nage / 180 km de vélo et 42.2 km de course à pied.

Le Summum project

Le Summum project n’a rien à voir avec la coupe du monde d’ultra-triathlon, c’est un défi personnel, une compétition seul avec un chrono. Il est né dans l’esprit de Cyril Blanchard, un athlète qui a battu le record de l’Enduroman au départ de Londres : 170 kilomètres de course à pied jusqu’à la côte, 40 kilomètres de natation pour traverser la Manche puis 300 kilomètres à vélo jusqu’à Paris.

Cyril a voulu créer une compétition dans le même esprit, avec une difficulté sur la course à pied au lieu de la nage, à travers une arrivée en haut du Mont-Blanc à 4810 mètres. Un défi qu’il a réalisé en en 23 heures 18 en 2021 au départ de Condes, à 180 kilomètres de Chamonix, depuis le lac de Coiselet. Il a ouvert cela au public et en 2023 ; un Belge a alors validé la natation et le vélo, mais abandonné durant l’ascension du Mont-Blanc.

Lorsque Cyril m’en a parlé, j’ai tout de suite trouvé ce challenge excitant et l’ai casé dans mon planning sportif de 2024 entre deux courses de coupe du monde. Mon objectif consistait à battre le record établi par Cyril en descendant sous les 23 heures. Je disposais d’une « fenêtre de tir » le 15 juillet et ai organisé cela avec un guide de haute montagne solidement expérimenté, Tony, et un cameraman professionnel, Bertrand, habitué à filmer à très haute altitude.

C’était deux semaines après Colmar, lors de mon quintuple Ironman, j’avais bien récupéré. J’y suis allé sans stress. Ce défi représentait 3,8 kilomètres de nage dans un lac, 180 kilomètres de vélo sur un dénivelé de 3000 mètres puis l’ascension du Mont-Blanc que j’avais réalisée à deux reprises. A priori, rien d’insurmontable.

Je me suis rendu en voiture à Chamonix où j’ai récupéré les affaires que j’avais réservées pour l’ascension. Le vendeur connaissait mon parcours sportif et m’a encouragé :

  • Tu as choisi un très bon guide, Tony est un pro.

J’ai ensuite fait les courses avant de me rendre à l’hôtel. Le lendemain, j’avais rendez-vous dès 6 heures au téléphérique avec Tony pour faire connaissance et qu’il évalue mon niveau. J’y étais, par contre, il y a de grosses intempéries dans la nuit et le premier téléphérique a été décalé à 8 heures. Nous sommes montés à 3800 mètres, vers l’Aiguille du Midi, et avons commencé la randonnée. Je pensais que ce serait paisible mais cela a vite viré à l’escalade, nous grimpions et descendions de gros rochers, c’était « pêchu ». Nous sommes arrivés à un mur naturel d’environ cinq mètres de haut, sans prise visible, m’arrachant cette question :

  • Et là on va où, Tony ?
  • En haut.
  • Comment on monte ?
  • Je passe devant, tu me regardes faire.

Il est monté comme un chat en utilisant une petite fente où glisser les doigts et de minuscules trous pour les crampons. Je me sentais incapable de l’imiter. J’ai finalement réussi, en galérant et en le maudissant dans mon for intérieur. Puis nous avons continué la randonnée. Au bout de trois heures, le parcours étant terminé, nous avons repris le téléphérique pour Chamonix où nous avons bu une bière bien méritée. Il s’est dit fier de moi et rassuré sur mes capacités.

Un ami pompier, Guy, nous a rejoints pour assurer ma logistique et épauler Bertrand, avec ses drones et son matériel photo et vidéo. Il est venu avec nous à Condes au camping où Bertrand nous attendait. Le soir, nous avons mangé une bonne pizza et à 21h30, nous étions couchés.

J’ai bien dormi. Réveil à 6h30. Nous avons pris le petit déjeuner, rangé les tentes et rallié le lac pour l’épreuve de natation. Cyril Blanchard nous a rejoints en observateur pour valider ma prestation. J’avais loué une borne GPS et partagé le lien avec ceux qui me suivaient. A 8h15, j’ai pris le départ dans le lac pour 3,8 kilomètres en sachant pertinemment que ce serait plutôt 4 voire plus car en eau naturelle, je ne nage pas droit. Tout s’est bien passé et j’en suis sorti après 1h48 de nage. Je me suis séché, changé et ravitaillé en m’accordant 25 minutes de pause. Et c’est reparti pour 180 kilomètres de vélo, une assez faible distance par rapport à mon expérience, mais avec un très fort dénivelé et ça change tout ! Le parcours était préenregistré sur le GPS et j’étais concentré sur la lecture de l’appareil, sur la route, sur la circulation, sur l’effort à fournir… je n’étais pas à l’aise du tout. D’habitude, je circulais sur des boucles, façon automate ; là, j’étais plutôt en mode « orientation ». Heureusement, le GPS m’a bien guidé. Je montais les cols sans trop forcer, tout excité d’être suivi sur Internet par des centaines ou peut-être des milliers de personnes.

Vers le 50ème kilomètre, le GPS m’a fait prendre de mauvaises directions. Il y avait des travaux, des déviations… cela m’a quelque peu agacé. J’ai commencé une ou deux ascensions pour rien, fait demi-tour, perdu beaucoup de temps, de l’ordre de 1h45, sur ces 180 kilomètres que j’ai finalement bouclés en 9h19 au lieu des 7h15 envisagées. Je suis arrivé sur le parking de tramway de Saint-Gervais avec deux heures de retard. Deux heures précieuses : je risquais de louper le dernier tramway, le lendemain lors de la descente du Mt Blanc, m’obligeant à descendre à pied depuis le nid d’aigle.

Avant de démarrer la course à pied, j’ai passé 22 minutes à me changer et ravitailler. Les enfants d’un ami étaient là pour m’encourager et m’ont offert des dessins, cela m’a touché et donné du peps. Je suis parti vers le Nid d’aigle où j’avais rendez-vous avec Tony et Cyril, à 12 kilomètres. Le parcours commençait par un plat de 3 kilomètres, après quoi ça montait beaucoup, j’ai dû marcher, suivant toujours le trajet via le GPS. Je n’ai pas cru utile de m’encombrer d’une lampe frontale, estimant arriver de jour au Nid d’aigle. J’ai échangé avec l’équipe sur WhattsApp pour les informer de mon départ. J’avais les jambes pour courir, je me sentais bien. Quatre kilomètres avant l’arrivée, je marchais toujours d’un bon pas mais ça montait vraiment dur et la nuit commençait à tomber. Heureusement que j’avais 70% de batterie sur mon téléphone de dernière génération, récent cadeau de Madame. Assez pour m’éclairer le moment venu.

Des panneaux annonçaient le Nid d’aigle à quatre heures de randonnée, ce qui m’a perturbé. J’ai voulu croire que c’était à un rythme familial et que je serais bien plus rapide. J’ai avancé, marché… La nuit tombait, j’ai allumé la lampe du téléphone. Le GPS m’a fait tourner en rond un quart d’heure, j’étais revenu à un panneau croisé plus tôt. Je suis reparti, revenu en arrière… et me revoilà devant ce satané panneau ! J’ai insisté, je me suis concentré. Nouveau retour en arrière. Et là, j’ai vu sur le GPS le petit drapeau à damiers qui annonce le point d’arrivée, il considérait que j’étais à destination. Cela sentait le roussi. Je me suis posé, j’ai éteint l’appareil et l’ai réinitialisé. Il m’a indiqué le bon chemin, cette fois, à gauche à une fourche et non plus à droite. J’avais encore perdu près d’une heure à cause de ce fichu GPS et l’équipe m’a appelé, ils commençaient à s’inquiéter. Il faisait nuit. Je me suis inquiété : Tony accepterait-il de démarrer l’ascension si tardivement ?

J’ai encore marché 2h30 avant d’arriver, Tony est descendu à ma rencontre et nous sommes arrivés au Nid d’aigle à minuit. Il m’a rassuré :

  • Les cuistots t’attendent, ils t’ont préparé de bonnes pâtes carbonara.

J’ai mangé d’un bon appétit, je me suis changé et me suis élancé vers le refuge de Tête rousse avec Tony, Bertrand et Cyril. Guy était reparti chez lui après m’avoir accompagné jusqu’à la fin du circuit à vélo. Nous avons marché tous les quatre à un rythme très soutenu. Parvenus au refuge, nous nous sommes posés une petite demi-heure pour boire et enfiler crampons et baudriers, puis en route pour le refuge du Goûter à 3800 mètres d’altitude. Cela représentait une marche d’1h45 assez technique et même un peu dangereuse au début, avec la traversée du fameux couloir de la mort où je m’étais offert une belle frayeur la dernière fois. De nuit, il est moins impressionnant et la neige est plus froide, donc plus stable. Et puis j’étais encordé à Tony.

Après deux heures d’ascension, nous sommes arrivés au refuge du Goûter où nous nous sommes accordés une pause de 20 minutes. J’ai même pu siester 10 minutes, puis c’est reparti pour 4 heures de randonnée en forte pente. Le jour s’était levé. Je ne voulais pas les inquiéter en montrant le moindre signe de fatigue mais ça commençait à bien tirer sur mes muscles, les quadriceps me lâchaient à cause du vélo. Il n’était toutefois pas envisageable d’abandonner, je n’avais pas consenti tous ces efforts pour renoncer. J’ai serré les dents.

Je demandais de plus en plus souvent des pauses de quelques minutes à Tony, qui faisait son possible pour m’encourager mais j’ai bien vu qu’il commençait à douter de ma capacité à arriver au sommet dans un délai raisonnable. Heureusement que la météo était favorable, avec un beau soleil. Néanmoins, il nous faudrait ensuite 6 heures d’efforts pour descendre et le dernier tramway était à 16 heures. Le temps jouait contre moi.

Je n’en pouvais plus, je commençais même à avoir du mal à respirer. J’ai persisté. Enfin, apercevant le dernier sommet, j’ai cessé de douter : j’allais y arriver ! J’avais peur que Tony m’impose d’arrêter mais non, il a été exceptionnel. Au sommet, terrassé par ces efforts dantesques et le soulagement d’y être parvenu, j’ai fondu en larmes, vivant cela comme une véritable délivrance : j’avais réussi, j’étais finisher ! J’avais résolument oublié mon objectif de finir en moins de 23 heures depuis mes déboires avec le GPS. J’ai bouclé l’épreuve en 25h19. Si l’appareil n’avait pas dysfonctionné, j’aurais fais aussi bien que Cyril et peut-être mieux. Tant pis, on ne maitrise pas tout, c’est ainsi.

On me demande parfois comment travailler le mental. C’est comme ça qu’on le fait, en se dépassant, en n’abandonnant pas alors que l’on n’en peut plus, en allant quérir les ultimes réserves d’énergie au fond de nous. Le corps est fabuleux. Toutes mes courses et même mes entraînements m’aident à travailler le mental.

Au sommet, nous avons réalisé des prises de vues photo et vidéo, puis l’heure de redescendre vers la vallée est venue. Nous sommes arrivés au Nid d’aigle à 14h30. Nous avons récupéré nos affaires, siesté un quart d’heure, mangé un morceau et emprunté le tramway. En bas, j’ai repris le volant pour regagner la maison, très fier d’avoir accompli ce superbe défi personnel. Je venais encore de vivre une très belle aventure sportive.

Demi journée de cramponnage et d’acclimatation

Natation

Vélo

Course à pied – Ascension du Mt Blanc (4810 mètres)